Le travail photographique de Ute Kohlmann procède d’une approche sensible des êtres et des choses, dont elle révèle à la fois la force poétique et la silencieuse présence. Les images issues de la série qu’elle présente ici nous donnent à découvrir un lieu particulier où la mémoire semble s’être cristallisée. Il s’agit d’un Jachthaven (hangar à bateaux) installé aux abords d’un lac dans les environs d’Amsterdam où vit et travaille un vieil homme prénommé Bibo que Ute Kohlmann a rencontré. Ainsi cette série photographique est-elle tout à la fois le portrait d’un lieu et d’un homme qui en serait l’âme. Elle nous dévoile avec pudeur et retenue l’intimité d’une existence, et à travers elle l’expérience d’une temporalité comme suspendue. Ces photographies ne revèlent pas l’instant mais témoignent plutôt de l’épaisseur de la durée. Elles se présentent à nous comme un temps de respiration et de recueillement face au battement, à la pulsation du monde. C’est aussi l’humilité, l’humanité de cet homme qui nous touche par l’intensité particulère de son regard et sa présence fragile. Témoignage d’un lieu auquel cet homme a consacré sa vie et dont la présence imprègne véritablement le lieu, l’habite.